Le changement climatique affecte toute la France : gel tardif sur floraison précoce, vagues de chaleur, sécheresses, inondations, érosion de la biodiversité ou invasion parasitaire. À l’avenir, la recrudescence et l’intensification de ces phénomènes menaceront la sécurité alimentaire nationale. Sur le plan local, la ressource en eau sera très contrainte. La fertilité des sols qui nécessitent aujourd’hui toujours plus d’irrigation et plus d’intrants pour maintenir la rentabilité des exploitations agricoles, va diminuer. Enfin, en cas de forte chaleur des tensions apparaitront sur les systèmes de production électriques qui ne pourraient plus être refroidis. Nous manquerons de ressources locales et d’énergie.
L’inertie du système terre est de l’ordre de quarante ans. Ce qui veut dire que nous ne voyons pas encore les effets du réchauffement que les activités humaines ont déjà causé. Ces dernières quarante années, la population de la terre a doublé, et la production a décuplé. La concentration de CO2 dans l’atmosphère a de ce fait augmenté de 45 % en trente ans. C’est l’un des principaux gaz à effet de serre. Il sera grandement responsable du réchauffement à venir.
La période d’abondance en énergies fossiles émettrices de gaz carbonique va prendre fin soit parce que nous l’aurons programmé pour limiter les impacts climatiques, soit, parce qu’en cigales désinvoltes, nous en subirons la pénurie.
En France, en dépit d’une production électrique largement décarbonée, les énergies fossiles représentent encore plus de 60% de nos consommations d’énergie primaire. Pour limiter l’augmentation de température à 2°C, et respecter l’accord de Paris, il faudrait dès aujourd’hui réduire d’environ 6% par an cette consommation. Or, il ne sera pas possible de la substituer entièrement par de l’énergie décarbonée. Tous les scénarios de neutralité carbone misent sur la sobriété, l’efficacité, la décarbonation de l’énergie et les transferts d’usage. Cela bouleversera la situation socio-économique des territoires dimensionnés pour des flux physiques importants, alors qu’ils vont progressivement diminuer.
Dans une économie décarbonée, se nourrir, se rendre au travail, accéder à la connaissance ou participer à la vie sociale sera plus complexe. Notre assuétude aux énergies fossiles nécessitera donc un sevrage pénible. Pour les territoires pauvres d’arrière-pays comme le nôtre, le choc va être très rude.
Les politiques existantes de planification et d’adaptation, quand elles sont mises en œuvre, ne sont plus adaptées à l’évolution rapide des situations. Les modalités d’élaboration et de révision des schémas programmatiques sont longues et complexes, et surtout, elles sont fondées sur des observations anciennes qui ne tiennent pas compte : de l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements naturels désastreux ou de l’inadéquation probable de nos systèmes. Notre vulnérabilité va s’accroître alors que nous aurons de moins en moins les moyens en énergie pour faire face aux périls. C’est-à-dire que nous devrons réparer les dégâts et nous restructurer de façon moins efficace et à des coûts toujours plus élevés.
Nous devrions donc anticiper et nous réorienter en adaptant nos comportements et en faisant des réaménagements structurels et politiques. Nos modes de gouvernance territoriales archaïques sont organisés pour que l’accroissement constant des richesses valorise l’action des élus. Or, la décroissance des flux matériels nous conduira à devoir répartir des ressources limitées. Il faudra donc trouver ensemble comment passer de l’abstraite croissance quantitative de la richesse collective à un réel développement humain qualitatif, plus sobre et plus robuste.
Cette recherche de sobriété et de sagesse garantira l’équilibre entre les activités humaines et l’environnement, mais elle imposera des évolutions culturelles et sociales. Si cette démarche est suffisamment anticipée et partagée, le changement de modèle qui en résulterait ne devrait pas correspondre à une baisse d’activité, mais au contraire à une progression.
La décarbonation de l’économie se traduira par une croissance de l’emploi dans certains territoires. Selon un rapport du Sénat, la population active du secteur agricole, du fait de l’évolution des modes de production, devrait croître de 20 à 30 % à horizon 2050. Cette population viendra redynamiser les territoires ruraux comme le nôtre. Le télétravail en réseaux diffus se généralise grâce à l’arrivée des autoroutes de l’information. L’Insee mesure déjà les cohortes de travailleurs de nouvelle génération qui abandonnent les métropoles engorgées, pour trouver en campagne des conditions de vie plus douces. En P.A.C.A., même Aix-en-Provence ou Nice perdent des habitants.
Notre territoire d’accueil a bien des atouts pour préparer cette transition. Mais il faut offrir aux familles des prestations acceptables : logement, école, emploi, santé, culture, et sport. Malheureusement, les élus territoriaux ne semblent pas avoir compris les enjeux. Ils font trop peu pour le long terme, de peur d’être critiqués. Alors qu’il faudrait une gouvernance inclusive et éclairée, ils se contentent au mieux de gérer « à l’ancienne » en se donnant, par une communication tapageuse, des faux airs de dynamisme.
Il faut sans doute surmonter le manque de connaissances de la population sur la réalité des causes et conséquences de l’anthropocène, mais il faut, avant tout, surmonter le manque d’appétence des élus à voir plus loin que le bout de leur mandat.
La nécessaire transition écologique est un puissant moteur pour donner un souffle nouveau à la politique locale et pour redéfinir les usages par le dialogue démocratique. La démocratisation des questions de résilience offrirait l’opportunité de forger, par le partage, une nouvelle identité territoriale plus proche de l’esprit et de la générosité de notre population. À titre d’exemple dans nos campagnes l’échange doit être réorganisé entre les agriculteurs et les néoruraux. Sans capacité de concertation, la transition et le développement harmonieux de notre arrière-pays seraient obérés par de vaines querelles picrocholines.
Notre territoire dispose encore d’infrastructure faible, d’un accès aux services service public limité, et d’un maillage entrepreneurial inadéquat. Il n’équilibre sa balance commerciale, principalement, que grâce à des transferts sociaux et à l’apport de la richesse des touristes.
La résilience d’un territoire doit s’appuyer et se nourrir de ses ressources locales, ce qui nécessite, à l’échelle du Pays de Forcalquier, de la coopération sur un projet commun. La politique actuelle non concertée de soutien aux projets des communes est inadaptée, coûteuse et contre-productive. Elle ne fait que renforcer le pouvoir narcissique des donateurs et la dépendance obséquieuse des donataires. Cela s’appelle du clientélisme.
Les élections régionales et départementales doivent avoir lieu les 20 et 27 juin prochain. Les réformes législatives récentes, en matière d’organisation des mobilités, mettent en évidence le couple Intercommunalité/Région dans la mise en place d’offre de transports en commun. Les collectivités territoriales devront rapidement faire évoluer les transports publics vers des formules plus flexibles. Or, elles peinent à le faire pour des questions financières. Elles préfèrent faire supporter la charge des déplacements aux familles qui n’ont d’autre choix que l’utilisation exorbitante des voitures individuelles. Des solutions innovantes de mobilités sont en cours de développement en Ariège, territoire structurellement voisin du nôtre. La Communauté de communes Pays de Forcalquier Montagne de Lure avait démarré une expérimentation. La nouvelle équipe n’a pas voulu assumer son optimisation et son développement. Pourtant dans peu de temps beaucoup d’entre nous souffriront de précarité énergétique en matière de transport.
À Forcalquier, on a préféré faire des investissements coûteux totalement contradictoires avec les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique. À titre d’exemple, sans faire un bilan carbone préalable, il est inefficace de changer globalement un éclairage public alimenté par une électricité faiblement carbonée, pour le remplacer par des équipements produits à l’étranger avec une électricité qui l’est fortement. Il vaut mieux changer les équipements lors de leur fin de vie et éteindre la lumière au milieu de la nuit. Avant de s’auto-congratuler sur sa vertu écologique, il faut être compétent et pragmatique.
La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics. L’expression démocratique suppose avant les élections d’être informé sur les enjeux. La communication est le contraire de l’information.
La surcommunication récente n’est pas faite pour nous faire comprendre ce qui adviendra, mais pour nous faire admettre les processus autocratiques en cours. Le black-out sur les informations réelles mise en place par certains de nos plus grands élus leur est essentiel pour réduire à l’impuissance ceux qui voudraient les contester. Cela atteste une profonde faiblesse de jugement. Ce n’est pas en cachant les problèmes, ou pire en se les cachant, qu’on les évite. L’histoire nous a appris que ce genre d’attitude conduit toujours à la déroute. Avant de voter, il ne faut pas cesser de s’en souvenir.
Ainsi va la démocratie !
Arnaud Boutet, Mai 2021
Merci Arnaud pour ces informations importantes.
Ne serait-il pas intéressant d’organiser sur le village une réunion ou des réunions, un débat ou des débats sur ces sujets afin d’imaginer ensemble (et dans la bienveillance mutuelle) l’avenir du village et de ses habitants ? Comment vivre ensembles dans ce territoire agricole ? Comment gérer au mieux l’énergie du village ? Peut-on anticiper sur nos comportements énergivores et imaginer de possibles réductions de nos besoins ? Peut-on, pour les énergies, produire local et consommer local ?
il me semble qu’il y a tant à faire pour cet avenir afin que nous en soyons acteurs plutôt que de subir douloureusement ce que l’on cherche à nous imposer d’ailleurs (dans les 2 sens du terme). Des exemples existent, ils sont inspirants ! Montrons que l’on peut intelligemment ‘réduire la voilure’ plutôt que de vouloir produire industriellement de l’énergie ‘décarbonée’ sur le dos d’une nature déjà bien mal en point…